Journée mondiale de la vie sauvage

De la vie à la survie des espèces sauvages

Malak

Mlle Malak CHALBI
Experte Junior
Observatoire du Sahara et du Sahel

En cette journée mondiale de la vie sauvage et quelques jours après la publication du deuxième volet du 6e rapport du Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC), ce 28 février, il serait important de faire un petit point sur la situation de la « vie » sur Terre et plus particulièrement en Afrique, notre continent.  

D’une manière globale, le dernier rapport du GIEC ne fait pas de cadeaux. D’après l’économiste environnementale, Nathalie Hilmi, les épisodes climatiques extrêmes seront plus récurrents et généralisés sur les deux hémisphères avec un coût humain et économique plus élevé. Les dégâts sur la biodiversité vont s’accroître et se manifester davantage, notamment, par la dégradation d'une grande partie des forêts, des récifs coralliens et des zones humides côtières de faible altitude. Au-delà de 2°C de réchauffement planétaire, c’est l’extinction assurée de 7 à 18% des espèces et de 90% des coraux des côtes africaines. Les populations et les écosystèmes les moins aptes à faire face à ce dérèglement sont les plus durement touchés, déclarent les scientifiques.

ima_art01

Si les impacts du changement climatique et les pressions anthropiques sont additionnés, le résultat parait encore plus pesant sur la faune et la flore de l’Afrique. Ces dernières, de plus en plus vulnérables, sont sujettes à diverses menaces d’origine humaine telles que le surpâturage et le braconnage, tous deux, aggravant le déséquilibre entre le niveau d’exploitation et la disponibilité des ressources naturelles. De plus, une évaluation globale a révélé que la chasse pour la viande de brousse met en péril plus de 300 espèces de mammifères. Ces activités représentent des contraintes majeures à l’atteinte des objectifs de conservation des espèces sauvages. Des milliers d’entre elles sont actuellement menacées d’extinction et leur disparition mettrait les habitats et les écosystèmes en grand danger. 

Pour mieux expliciter les choses, dirigeons-nous vers la plus grande mosaïque d’aires protégées transfrontalières d’Afrique de l’Ouest : le complexe W-Arly-Pendjari (WAP), partagé entre le Bénin, le Burkina Faso et le Niger. Une zone qui a fait l’objet d’un travail de recherche sur les interactions Homme-Faune dans le cadre du projet Adapt-WAP « Intégration des mesures d'adaptation au changement climatique dans la gestion concertée du complexe transfrontalier WAP » de l’OSS. Ce site naturel, classé au Patrimoine Mondial de l'UNESCO et faisant partie du réseau international des Réserves de Biosphère du programme sur l'Homme et la Biosphère (MAB) de l’UNESCO, constitue le dernier refuge de la biodiversité en Afrique de l’Ouest. Il accueille la plupart des grands mammifères typiques de la région. On y recense la plus grande population d’éléphants d’Afrique de l’Ouest et la seule population viable de lions de la région. 

Les différentes informations issues du travail de recherche ont permis de constater que le buffle de savane est à la fois l’ongulé sauvage le plus impacté par la transhumance, en raison de sa proximité élevée avec les zébus dans les zones de pâturage, le plus chassé et également le plus braconné, que ce soit pour son trophée ou pour sa vente comme viande de brousse. L’éléphant de savane représente l’espèce protégée d’ongulés sauvages la plus braconnée. Ces pachydermes africains sont, en effet, prisés pour leur défense en ivoire. Ils sont aussi en compétition avec les animaux domestiques, notamment, autour des points d’eau. Il a été, par ailleurs, confirmé que les activités anthropiques pouvaient donner matière, entre autres, à des attaques de carnivores. Ceci s’explique par le fait que d’une part, la présence de troupeaux dans les aires protégées provoque le déplacement des proies naturelles et augmente ainsi la probabilité d’occurrence des attaques sur les animaux domestiques. D’autre part, le déclin des populations de proies naturelles ayant pour causes la sur-chasse et le braconnage, mène à l’incursion des prédateurs dans les villages périphériques du complexe WAP. Le lion s’est avéré être, à l’unanimité, le carnivore causant le plus de dégâts sur les animaux domestiques en termes d’attaques. ‟Le roi de la jungle”, symbole de puissance et de férocité, est pourtant affamé et extrêmement menacé.

Ces grands mammifères sauvages, qui font partie des cinq mammifères emblématiques d’Afrique (les Big Five), subissent donc d’importantes et nombreuses menaces.  
Comment y remédier ? Ne serait-il pas urgent et nécessaire de prendre des mesures de conservation et de valorisation de la biodiversité faunique, au bénéfice des populations locales, en vue d’inverser la tendance et d’améliorer l’interface Elevage-Faune sauvage-Environnement ?

Pour mettre à profit cette journée, vous trouverez, dans ce qui suit, quelques éléments de réponse et quelques recommandations visant à réguler les impacts des activités humaines, à atténuer les dommages causés à la faune sauvage et à promouvoir son utilisation durable dans le complexe WAP, tout en retenant que ces mesures sont valables à d’autres zones. 

La consolidation de l’engagement des communautés et de la coopération transfrontalière entre les autorités de gestion, accompagnée de la mise en place d'un réseau d'informateurs locaux concernant les activités illicites avec des outils de communication performants, constitueraient des actions clés à entreprendre.

Le renforcement de la surveillance du bétail illégal, l’aménagement des pistes pour les patrouilles et la restriction de la transhumance dans les zones vulnérables se montrent nécessaires. De même, pour la mobilisation rigoureuse des patrouilles de lutte anti-braconnage et pour l’instauration d’un système de suivi et d’alerte (surveillance par drones, pièges photographiques, etc.) dans les zones critiques. Il faudrait également mettre à disposition un matériel de lutte anti-braconnage développé et un personnel affecté à la lutte anti-braconnage suffisant. Une mise à jour des quotas de chasse et leur respect représenterait un grand pas en avant pour la conservation des espèces. Enfin, le point le plus important réside dans la nécessité de mettre en valeur l'intérêt économique et écologique des animaux sauvages. 

D’un autre côté, pour diminuer le conflit Homme-Carnivore, Il serait intéressant de développer et de renforcer les outils de protection (enclos, gardiennage…) et de sensibilisation (conduite à adopter en cas d’attaque, importance de la préservation des habitats naturels et de leurs espèces…) aux environs des zones et des villages enregistrant beaucoup d’attaques.

La journée mondiale de la vie sauvage est d’une part l’occasion idéale pour mettre en avant la valeur inestimable des espèces, partie intégrante du tissu du vivant qui permet aux écosystèmes de s’épanouir, et d’autre part une opportunité pour participer à la prise de conscience des avantages que leur préservation apporte aux populations, d’un point de vue économique, social, scientifique et écologique. Elle constitue aussi une piqûre de rappel pour intensifier la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages, stopper leur surexploitation et restaurer leurs habitats et écosystèmes. Le principe est de concilier les avantages sociaux avec les exigences d’une conservation efficace et durable.