Journée désert 2021

Journée mondiale de la lutte contre la Désertification et la Sécheresse, 17 juin 2021

Restaurer un milliard d’hectares nécessite des actions concrètes !

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Mme. Ndeye Fatou MAR
Coordinatrice du Département Terre
Observatoire du Sahara et du Sahel

La volonté collective impulsée par la communauté internationale sous l’égide d’un retour à la nature prend un tournant crucial en 2021, année du lancement officiel par les Nations Unies de la décennie de la restauration des écosystèmes. Est-ce un aveu d’échec des actions passées ou une réelle volonté d’inverser la tendance ? Dans tous les cas, force est de reconnaître que la situation actuelle ne laisse plus le choix.

Face à cet engouement et à cet élan international, l’enjeu est de mobiliser les acteurs en les poussant à s’engager et œuvrer concrètement pour la restauration d’au moins 1 milliards d’hectares de terres.

La terre, pilier essentiel et incontournable pour la vie humaine, est au cœur de cette ambition. Pourtant, elle subit depuis des siècles des pressions de tous bords et se trouve au cœur du changement climatique et de la perte de la biodiversité. Une première évaluation globale de l’IPBES réunissant plusieurs experts et publiée en mars 2018 soulignait que « plus de 75 % des terres émergées de notre planète sont considérablement dégradées, mettant à mal le bien-être de 3,2 milliards d'individus » 1.

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Environ 135 millions de personnes risquent d’être déplacées par la désertification dans les décennies à venir en raison de pénuries d’eau et de nourriture 2. La dégradation des terres est une des principales causes du changement climatique et en retour, celui-ci en aggrave les effets en augmentant la vulnérabilité des écosystèmes. Les scientifiques soulignent, toujours dans ce rapport, qu’entre 2000 et 2009, la dégradation des terres a été responsable de l’émission d’environ 4 milliards de tonnes de CO², ce qui correspond à plus de la totalité des émissions de l’ensemble de l’union européenne en une année.

A tout niveau, les chiffres sont assez impressionnants. Et les situations sont encore plus alarmantes dans certaines régions du monde.

Il est à craindre que le point de basculement ne se fasse plus tôt que prévu. Dans une récente étude de Nature Climate change 3 (2021), il a été prouvé que le poumon de la terre, la forêt amazonienne, a perdu de sa biomasse et de sa biodiversité et ainsi son rôle de puits de carbone. Depuis 2010, la dégradation des terres à travers une déforestation accrue de la forêt amazonienne brésilienne a causé plus d’émission que d’absorption de CO2 (+18%).

Les forêts tropicales, derniers remparts pour freiner le réchauffement climatique, sont de fait en train de perdre leur « mission » en raison de la dégradation et de la déforestation. Ceci ne peut dénoter que des liens inextricables et indémêlables entre la désertification, le changement climatique et la biodiversité que nous ne pouvons, en aucun cas, appréhender séparément.

En Afrique, environ 45 % des terres sont touchées par la désertification et les communautés situées dans les zones les plus fragiles sont souvent appauvries et mal nourries 4. Les économies et les sources de revenus de centaines de millions de personnes sont aujourd’hui plus que menacées. La surexploitation, la dégradation et les pratiques non durables entraînent des pertes considérables, des changements dans les habitats naturels et les écosystèmes, ainsi qu'une réduction drastique des services écologiques. Alors que la terre représente 70% de la base des ressources naturelles et fournit 70% de l’emploi en zone rurale 5.

Ces phénomènes, conjugués aux effets du changement climatique, accentuent davantage l’insécurité alimentaire, la vulnérabilité aux inondations, la réduction des possibilités de croissance économique la pauvreté, etc. Les conséquences désastreuses sur les populations les plus défavorisées sont criardes.

Les capacités à répondre aux besoins des populations actuelles et futures semblent ainsi presque compromises. Quid des actions de lutte contre la désertification et de promotion de la gestion durable prônées et déployées ces dernières deux décennies ? Des résultats, certes encourageants mais pas assez pour inverser la tendance. Plusieurs facteurs bloquants persistent. La désertification et les conséquences de la sécheresse sont toujours très mal renseignées et pas assez suivies.

Des solutions de plus en plus adaptées aux différents contextes existent. Aujourd’hui, plus que jamais, la société semble être prête pour le changement et se propulser dans une nouvelle ère. Mais avec quels moyens techniques, technologiques, humains et financiers ? Plus de 10 millions d'hectares autour du Sahara doivent être restaurés chaque année afin d'éradiquer la dégradation des terres d'ici 2030. Les besoins et les opportunités en matière de restauration sont énormes. Mais, pour cela, il faut impérativement affiner les méthodes d’évaluation afin de valoriser toutes les actions. Aujourd’hui l’utilisation des données d’Observation de la Terre et des techniques de la télédétection facilitent le développement d’outils et de méthodologies permettant de mesurer, à moindre coût, les impacts de la dégradation des terres et d’évaluer les pratiques de gestion durable de terres.

L’effort global pour combattre la désertification doit s’appuyer sur des actions collectives. L’implication des populations locales dans le processus de restauration des terres est non seulement cruciale pour leur prospérité mais permet, aussi et surtout, d’assurer une inversion durable des tendances négatives à leurs productivités.

Des initiatives comme celles de la Grande Muraille Verte (GMV) sont des impulsions à ne pas manquer. Initiative panafricaine de restauration et de gestion durable des terres, la GMV a pour ambition de lutter contre la dégradation des terres et la pauvreté. Elle a l’avantage de rassembler plusieurs acteurs autour de la table. C’est un symbole d'espoir face aux défis de la désertification (CNULCD 6, 2020).

Quand la terre tremble, nous perdons forcément notre équilibre. Donc, c’est l’heure de se mettre à l’action pour la restaurer ! 

Mots clés : Décennie de restauration des écosystèmes, désertification, dégradation des terres, changement climatique, gestion durable des terres, grande muraille verte

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  1. https://www.nationalgeographic.fr/environnement/plus-de-75-des-terres-de...
  2. World Future Council Fondation, 2017
  3. https://www.nature.com/articles/s41558-021-01026-5
  4. La plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques - IPBES, 2018
  5. TerrAfrica/FAO/BM 2010 6 CNULCD : Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification