Belém, 12 novembre 2025
A la Conférence des Parties (COP30), un événement parallèle intitulé « Les Solutions fondées sur la Nature pour l’adaptation climatique dans les bassins fluviaux et lacustres » a rassemblé une large communauté d’experts et d’acteurs institutionnels.
Co-organisé par l’Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS), le Réseau International des Organismes de Bassin (RIOB) et le Conseil Mondial de l’Eau (WWC), cet événement a mis en avant une conviction partagée : sans Solutions fondées sur la Nature (SfN), l’adaptation climatique dans les bassins restera en deçà des besoins réels.
Dès l’ouverture, Monsieur Éric Tardieu, Vice-président du WWC et Secrétaire général du Réseau International des Organismes de Bassin (RIOB), a rappelé que les bassins versants sont des espaces stratégiques de convergence entre besoins humains, impératifs économiques et équilibres écologiques. C’est à cette échelle que se cristallisent les grands enjeux liés à l’eau, à l’énergie, à l’agriculture et à la biodiversité. A travers leur rôle de planification et de coordination à long terme, les organismes de bassin apparaissent ainsi comme des acteurs clés pour intégrer les SfN dans la gestion des ressources en eau.
Sous la modération de Madame Khaoula Jaoui, Directrice du Département Climat et Coordonnatrice des Départements techniques de l’OSS, la discussion a souligné que les écosystèmes des bassins sont aujourd’hui soumis à de fortes pressions. L’irrégularité des précipitations, la fréquence accrue des sécheresses et des crues, l’érosion des sols et la croissance démographique menacent leur équilibre. Dans ce contexte, les SfN se révèlent être un véritable levier de résilience, et non un simple outil complémentaire. Restaurer les berges, réhabiliter les zones humides, reboiser les têtes de bassin ou redonner de l’espace aux rivières, sont autant d’actions qui protègent les populations, soutiennent l’agriculture, préservent la biodiversité et stockent le carbone.
Appelant à une « COP de la vérité », Monsieur Juan Carlos Monterrey, Représentant spécial pour le changement climatique du Panama, a livré un message fort. Il a évoqué les réalités vécues sur le terrain – cultures détruites, raréfaction de l’eau, montée du niveau de la mer – et dénoncé le décalage entre engagements internationaux et besoins des territoires. Pour lui, l’adaptation climatique doit s’appuyer sur un nouvel objectif global de financement, sur des fonds plus accessibles et sur une intégration plus forte des SfN dans les Contributions Déterminées au niveau National (CDN) et les Plans Nationaux d’Adaptation (PNA), en veillant à atteindre les communautés les plus vulnérables et à intégrer les enjeux de genre.
Les échanges ont ensuite mis en lumière des expériences concrètes et inspirantes. Docteur Callist Tindimugaya, du Ministère de l’Eau et de l’Environnement de l’Ouganda, a présenté le projet EURECCCA (Enhancing Resilience of Communities to Climate Change through Catchment-Based Integrated Management of Water and Related Resources), financé par le Fonds d’Adaptation. Ce projet qui porte sur le renforcement de la résilience communautaire dans les zones humides grâce à la création de Coopératives de gestion de l’environnement aquatique (Water Environment Cooperatives, WECs). Selon lui, la durabilité repose sur la capacité des communautés à tirer un bénéfice économique des SfN, notamment à travers des moyens d’existence alternatifs.
Dans la même dynamique, Madame Hilda Pius Luoga, représentante de la Commission du bassin du lac Victoria, a montré comment les SfN sont désormais intégrées dès la phase de conception des projets d’investissement. Cette approche régionale garantit une cohérence entre infrastructures physiques, préservation des écosystèmes et résilience des populations, tout en s’appuyant sur des partenariats régionaux solides pour mobiliser les financements nécessaires.
Le rôle des cadres juridiques internationaux a également été mis en avant par Madame Lucia de Strasser, du Secrétariat de la Convention sur l’eau des Nations Unies (UNECE). Elle a souligné que la coopération transfrontalière permet d’ancrer durablement les SfN dans la gestion partagée des bassins, à travers la restauration de zones humides, la réduction des risques d’inondation et la protection des écosystèmes fluviaux communs.
Un autre exemple marquant a été présenté par Monsieur Niokhour Ndour, Secrétaire général de l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS), illustrant l’évolution de cette institution. Après des décennies centrées sur les grands aménagements hydrauliques, l’OMVS intègre désormais les SfN dans son plan d’investissement climat, démontrant que développement et restauration écologique peuvent aller de pair.
Enfin, Madame Maria Aparecida Vargas, du comité pour l’intégration des bassins fluviaux du Paraíba do Sul (CEIVAP), a partagé une expérience sud-américaine inspirante. Les comités de bassin brésiliens intègrent les SfN dans leurs plans de gestion et les relient à des mécanismes de financement innovants, traduisant ainsi le passage de projets pilotes à une gouvernance durable et structurée.
En conclusion, Madame Barbara Pompili, Ambassadrice pour l’Environnement de la France, a salué la qualité des échanges et la convergence des approches. Elle a rappelé que les SfN sont déjà à l’œuvre dans de nombreux bassins, mais que leur passage à l’échelle exige des cadres de coopération solides, le renforcement des capacités techniques et institutionnelles, ainsi que des financements dédiés et accessibles. Elle a enfin insisté sur la nécessité de structurer un réseau international d’expertise sur les SfN dans les bassins, de cartographier les initiatives existantes et de mobiliser des fonds spécifiques afin d’accélérer leur déploiement et d’en faire un pilier central de l’action climatique mondiale.